Trisha
Chaque fois que je pense à mon destin qui se jouait dans les mains du système de santé auquel je faisais confiance, les paroles d’une chanson d’Ed Sheeran me traversent l’esprit : « Memories of a life that’s been loved… but mum, there’s a tear every time that I blink… oh, I’m in pieces, it’s tearing me up, but I know a heart that’s broke is a heart that’s been loved. » (traduction libre : Les souvenirs d’une vie heureuse... mais m’man, une larme coule chaque fois que je cligne de l’œil... je suis en mille miettes, cela me déchire, mais je sais qu’un cœur brisé est un cœur qui a été aimé.) Ces paroles me hantent. Serait-ce la chanson que ma fille ferait jouer pour se consoler de mon départ? Ces mots résonneront-ils pour d’autres mères d’un bout à l’autre du pays qui n’ont pas eu la même chance que moi? Pourquoi devrais-je imaginer de tels scénarios? Les autorités de la santé savaient que j’allais peut-être mourir, et elles n’ont rien fait. La technologie existante pouvait me sauver. On sait qu’il y a 800 000 femmes qui vivent la même situation que moi et on reste muette. À la place, leurs enfants auront à jeter les fleurs fanées du supermarché, ces fleurs offertes à la mémoire de leur mère. Des fleurs que l’ont aurait jamais dû acheter.
Mes seins sont très denses et j’ai des antécédents de cancer du sein dans ma famille proche. Dans mon cas, si cette situation n’est pas traitée ou suivie adéquatement, c’est une condamnation à mort. On le savait et on ne m’a rien dit. Chaque fois que j’ai passé une mammographie – et ce, dans trois provinces – les autorités en matière de santé ne m’ont pas informé du fait que ma densité mammaire était un facteur de risque indépendant important de cancer du sein, et que combiné avec mes antécédents familiaux, je courais un risque élevé d’en développer un. D’abord, j’ai pensé que mon cas était tombé entre deux chaises, mais les autorités de la santé connaissaient ma situation depuis bien longtemps. C’est en 1976 qu’une première étude a identifié la densité mammaire comme facteur de risque important de cancer, et pendant des années, d’autres études ont continué à confirmer ce fait. Mais les autorités en matière de santé ont gardé le silence.
Les mammographies ont été efficaces pour détecter que j’avais des seins très denses, mais pas pour révéler mon cancer du sein, du moins pas avant qu’il ne soit trop tard. J’ai eu beaucoup de chance, car une échographie des os a dévoilé par hasard une accumulation de tissus mous dans mon sein droit. Comme la mammographie a faussement détecté aucun cancer, on a dû approfondir l’investigation et examiner mon sein par échographie, mais rien d’anormal n’a été observé. Heureusement, puisqu’on doit justifier une échographie des os et que ma mère a eu deux fois le cancer du sein avant 50 ans, j’ai dû passer une IRM. Cet examen a révélé la vérité : j’avais des masses suspectes dans mon sein, et une biopsie a confirmé que j’avais le cancer. De fait, j’avais dix masses – à la fois un carcinome lobulaire et canalaire invasif – que la mammographie n’a jamais détectée. Sur la mammographie, on ne pouvait voir que du blanc, qui pouvait représenter soit du tissu mammaire dense, soit du tissu mammaire dense et du tissu cancéreux. Ironiquement, à 40 ans, j’ai commencé à participer au programme de dépistage du cancer du sein, et on m’a indiqué que je n’avais pas le cancer malgré la bombe à retardement qui grossissait dans ma poitrine.
Je suis de celles qui vont mourir, et c’est ça qui me met en furie. C’est cela qui me pousse à faire savoir à toutes les Canadiennes qu’elles doivent se renseigner sur leur densité mammaire pour connaître les risques et prendre des décisions éclairées sur leur santé. Ce n’est pas normal que ceux qui ont notre santé entre leurs mains sachent que nous allons certainement mourir, mais qu’ils ne nous disent rien. Ce silence complice est assourdissant, et vos enfants ne veulent pas être laissés derrière avec des fleurs fanées du supermarché. Ils veulent que vous soyez en vie. Exigez que les autorités de la santé brisent le silence, et renseignez-vous sur la densité de vos seins!
Trisha lives in Alberta and was diagnosed at age 42 with ten masses that were not seen on mammogram because of her extremely dense breasts.